Les lettres du soldat Maurice Alfred PASQUIER (1914-1918)

Par Rémi Pasquier, arrière petit fils de Maurice Alfred PASQUIER.

Participation gagnante "PORTRAITS" 4/15

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Je vais ici vous raconter en quelques lignes le parcours de mon arrière grand-père, Maurice Alfred PASQUIER, durant la première Guerre Mondiale.

 

Pour commencer, je vais ici vous retranscrire ce qu’on peut lire de lui sur sa fiche matricule, que je vous joins en photo.

(Retranscription complète de sa fiche matricule en bas de l'article)

Vous raconter en quelques lignes, donc…

La tâche n’est pas aisée, j’ai en effet la chance d’avoir en héritage plus de 300 lettres qu’il a envoyé a sa mère pendant le conflit, des cartes postales et un journal qu’il a rédigé.

Le témoignage est vaste ! Fourni en détails, et aussi en émotions.

 

En quelques lignes, disais-je…

Sa première lettre, du 16 juin 1915, et les quelques suivantes, raconte son arrivée à la caserne d’Argentan, où il touche son premier uniforme, veste bleue, culotte rouge.

Pendant 6 mois, exercices physiques, instructions pour devenir caporal, exercices d’orientation, cartographie…

Le trajet pour le départ au front se fera en train, via l’Aigle (61), Dreux (28), Chartres (28), Orléans (45), Troyes (10), et enfin Mourmelon-le-grand (51).

2 jours et de nuits de voyage.

 

(Pour les passages en italique, ce sont les mots de mon arrière grand père, aussi, je laisse volontairement les quelques fautes d’orthographe ou de conjugaison, qui font aussi le charme de ses témoignages du passé)

 

Dimanche 7 heures du matin 11 juillet 1915

Chere Maman Notre bataillon est parti de Mourmelon hier soir pour se rendre aux tranchées a 8 heures et on arrivé a minuit.

Avant de partir j'ai vu trois copains de Bouloire Ferré le gendre a Croiseau et Schmidt qui est de ma classe il a ete eleve chez Rochetauld et il demeuré chez Villoteau il sont tout deux au 44 et ensuite Albert Bolet de la Crance,

il est a la 9 ème mais dans le même Bataillon, nous marchons tous ensemble pour les releves,

si tu vois son pere tu lui diras qu'il se porte bien et que son Bouc pousse

Maintenant revenons a nos tranchées, arrivés sur les bords de la riviere et nous avons deja cantonnés, nous entrons les Boyaux de communications, c'est long avec tout leurs zig-zag enfin nous arrivons a la tranchée de premiere ligne.

Aussitôt je suis paumé pour etre de sentinelle avec un ancien, au Petit Poste, c'est avancé de 15 a 20 metres de la ligne. C'est là que j'ai tire mes Premieres Cartouches sur les Prussiens,

je te dirais que j'en ai pas vu mais il passé quelques balles au dessus de moi j'en ai envoyé de miennes en echange dans la direction que cela venait.

Je me porte tres bien et je ne m'en fais pas

Bons baisers

Maurice 

29 septembre 1915

Ma Chere Maman Tu vas etre surprise de recevoir une lettre de cet endroit, mais ne crains rien, tout va bien, je suis blessé legerement.

Je commence par le commencement nous avons ete trois jours sous le bombardement, trois jours que notre artillerie n'a pas cessé jour et nuit de ravager les tranchées boches.

Nous regardions par dessus de notre parapet pour regarder les effets terrifiants d'ailleurs, surtout quand nos obusiers de 220 et nos torpilles de 80 kilos leur tombaint dessus et faisaient sauter en l'air leurs materiaux a 40 metres,

et puis on a envoye sur Auberive 500 obus incendiaires et ça brulé toute la nuit,

et pendant tout ces jours, les Boches ne repondaient presque pas, mais nous etions assourdis par le bruit.

Le 25 septembre, attaque a la baionnette sur tout le front a 8 heures 30, notre artillerie cesse le bombardement,

mais celle des boches s'etant aperçu du mouvement qu'est ce quelle nous a envoye comme marmites,

mon sergent a ete tue en arrivant dans la tranchée, un obus etant tombé sur le parapet et le culot lui a ouvert le crane.

Les 1 er et 2 e compagnies montent a la charge, mais elles n'ont pas aller jusque dans la tranchée ennemie elles ont ete fauchées par les mitrailleuses, et apres l'on voyait nos pauvres poilus couchés et même debout par paquets dans les fils de fer,

il en est pas revenu beaucoup, ensuite c'a ete le tour des 5 et 6 compagnies elles ont chargees sur un Fortin et ont pu reussir a entrer dedans et a l'occuper,

mais elle n'ont pas pu revenir et comme c'est sur le bord de la Suippes, on a raconte plusieurs canards il paraittrait que les Boches auraient ouverts des vannes et que les notres seraient entourés d'eau , d'autres pretendent qu'ils sont prisonniers mais en tout cas on jamais en avoir de nouvelles et je crains beaucoup pour gars Percheron lui qui est de la 6 em ,

je lui avait serré la main une heure avant l'action, je vais me renseigner aupres de mes camarades qui de reste la-bas,

il est bien possible que sa mere va etre en peine, voilà ce qu'il a eu dans la journée du 25.

Pour le 26 les 9-10-11 et 12 e compagnies devaient tenter d'attaquer a leur tour nous devions monter vers les 3 heures de l'apres midi, nous avions pris positions dans la tranchée d'assaut et nous avions encore cinq minutes a attendre il nous vient un ordre de ne pas attaquer Auberive que la 4 e Armée avait reussi a percer les lignes allemandes sur Souin (?) et Perthes,

qu 'il fallait seulement maintenir les positions, nous etions pas faché mais ca n'a pas beaucoup change la fâce des choses, car aucun de nous aurait charger, pas un ne serait revenu c'etait envoyer des hommes a la boucherie.

Notre point etait trop fortifié et puis voir nos camarades tombés devant dans la plaine nous avaient completement demoralisés. 30 Avec tout ca nous n'avions pas de repos il y avait quatre jours que nous etions dans les nouvelles tranchées sans abri et sans dormir nous touchions un repas par jour et puis il tombait de l'eau.

A suivre

Suite

Ma chere Maman Dans la nuit du 26 au 27 nous occupions la tranchée d'assaut a 150 des Boches, plusieurs d'entre nous etait de faction et regardaient par dessus de la parapet ce qu'il se passait en avant, notre 75 tirait toujours sur la tranchée boche et a chaque coup de canon nous etions obliger de descendre dans le fond de la tranchée pour ne recevoir des eclats qui revenaient sur nous.

Moi j'avais ete de faction jusqu'à minuit et apres j'etais libre jusqu'au jour et je m'etais mis a roupiller dans un coin contre un pare eclat et ma couverture et ma toile de tente sur moi,

il etait 3 heures du matin je ne peux pas bien definir comment cela est arrivé, j'ai ete réveillé en vitesse et precipitation par une vive douleur au pied, j'avais reçu un eclat d'obus de nos 75 qui a certainement tire trop court, sur le sommet ou si tu entends mieux sur le collet du pied gauche,

et en même temps j'entendis un grand râle derriere moi, il y avait un tué et trois autres blessés.

Je me suis tiré comme j'ai pu tout seul j'ai peut etre fait 100 en rempant sur les genoux et puis en sautillant sur le pied droit et enfin j'au pu trouver une pelle qui m'a servi de bequilles j'ai bien fait 500 metres comme cela et j'ai arrivé a un poste de secours,

où la on a coupé et retiré mon godillot et fait mon pansement, la blessure paraît avoir un centimetre de large et autant de profondeur. Dans la matinée j'ai ete emmené avec d'autres dans une auto a Mourmelon le Petit,

la on me refait mon pansement et on me soude la blessure et on me dit qu'il ne doit pas avoir de projectiles de dans.

On m'embarque dans la catégorie des eclopés je devais aller seulement jusqu'à Chalons, je fais le voyage avec le fils de Bezault-Raoul il est au 26 e d'artillerie, i

l filait sur Chalons aussi, il est malade.

Arrivé a Chalons on me refait encore mon pansement et comme je ne pouvais pas me remuer fallait me porte partout on m'a envoye a l'interieur, tu penses si j'etais heureux une fois gueri j'espere revenir au depot et avoir soi une convalescence ou une permission. Enfin je partais de Chalons a l'entrée de la nuit et je passais par Troyes, Sancerre, Bourges, Issoudun, Chateauroux, Limoges et j'arrivai ce matin a 4 heures a Angoulême, ça faisait un voyage de 36 heures

pendant tout notre trajet dans les gares on nous a distribué beaucoup de friandises, café , lait, thé, bouillon raisin confitures enfin ce qu'il nous fallait. En arrivant a l'hopital on m'a changé lavé car j'etais plein de terre et il y avait beaucoup huit jours que je m'etais de..........

pansé a nouveau et mis dans un bon lit cela me semble bon l'hopital c'est une ancienne ecole normale de jeunes filles.

Maintenant il ne faut pas t'inquieter, je ne souffre pas beaucoup et je me plais mieux la qu'en Champagne. Tu me diras si tu m'as envoyé des lettres ce jour, je les reclamerais pour le moment je ne vois rien a te demander.

Je t'ecrirais ces jours ci.

Ton fils qui t'embrasse bien fort Maurice Pasquier

Hopital ......

Angoulême Charente

Les tranchées, le 26 Juillet 1917

Ma chère Maman J’ai bien reçu ta lettre du 19, suis toujours en tranchée en reserve, nous n’avons pas de garde a prendre, mais toutes les nuits nous allons travailler dans les boyaux pour les recreuser, nous avons avons une sape qui a bien 15 metres de profondeur, c’est quand même frais dans le fond. Et le Grand pere qui est ce qu’il devient voilà un moment que je n’aie entendu parler Bien le Bonjour a tous

Ton fils qui t’embrasse fort

Maurice Pasquier 

Secteur 194, le 28 Octobre 1917

Ma chere Maman Excuse-moi si j’ai ete un petit moment sans pouvoir t’ecrire, c’est que je suis descendu des lignes pour quelques jours dans Verdun et que la bas je ne pouvais pas t’ecrire les derniers jours je n’avais pas le temps il n’y faisait pas assez bon.

J’ai recu ta lettre du 19 m’annonçant un colis, chaussettes bretelles etc, mais je n’aie l’aie pas encore reçu, je ne pense pas quand même qu’il soir egaré, avec toute cette pagaille, ca retrouvera bien tu dois avoir recu ma lettre du 22 ou je te disais qu’il y avait une trentaine d’évacués comme pieds gelés surtout en petits recuperés.

Le 23 a 4 heures du matin les Boches ont attaques les positions du 42 R.I. a l’est de la fameuse côte 344, 56 on fait prisonnier une partie des 1er et 3 eme Bataillons qui etait en ligne et par la suite, ont occupé nos tranchées. Le soir a 5 Heures, mon Bataillon le 2 eme a Contre Attaqué, la 5 eme Compagnie en tête, les Boches avait en partie évacué nos lignes nous avons fait quelques prisoniers, repris des Mitrailleuses, nous avons quand même été soumis un feu de barrage terrible toute la journée,et nous avons été heureux, que les obus s ‘enfoncaient a moitié dans la boue et qui amortissait de beaucoup les effets sans ça nous aurions eu beaucoup plus de perte que l’on a eu.

A la Compagnie on a eu une trentaine de blessés et 4 morts, mon Sergent un tres gentil garçon a été touché d’une balle dans un poumon,

et est venu me trouver pour que je l’emmène, je crois qu’il est mort depuis, plusieurs petits recuperes venus du 104 avec moi ont ete tués aussi.

Pour le moment on se repose un peu, moi comme les copains, nous avons les pieds en feu, car nous avons plus ou moins souffert des pieds.

Bien le Bonjour a tous

Ton fils qui t’embrasse bien fort.

Maurice

Marseille (une déchirure a enlevé le jour) Octobre 1918

Ma Chere Maman

Je viens de recevoir ta lettre du 3 et je te remercie beaucoup pour le mandat.

Tu me dis que tu vas quitter l’hospice, il ne doit pas y faire chaud l’hiver dans ces grands appartements, tu t’ennuyeras moins chez Mme Loisin, elle se chargera bien de causer pour te distraire.

De mon coté toujours la même chose a peu pres, je me porte bien, j’ai passe a la Radiographie la semaine derniere on verra bientôt ce que ça va donner.

J’ai appris ce matin dans les journaux que les ennemis demandaient l’armistice, mais la nouvelle s’etait sue en ville hier soir par depeche, dans les cafés ………………

Les Rues on formait des corteges et on a chanté la Marseillaise et le Chant

du Depart tu vois a Marseille ils ont la tete pres du soleil.


Retranscription complète de sa fiche matricule:

 

Né le 18 décembre 1893 à Bouloire à 7 heures de PASQUIER Noémie Angéline Eloïse

Signalement : Cheveux châtains clairs, yeux marron foncé, front fuyant, nez si…., visage étroit, taille

1 m 72. Degré d’instruction 3 (possède une instruction primaire développée)

Conseil de révision : inscrit sous le n° 62 de la liste du canton, de Bouloire.

Classé dans la 5e partie de la liste en 1913 ajourné à un an pour faiblesse.

Classé dans la 5e partie de la liste en 1914 ajourné pour faiblesse.

Classé dans la 1ere partie de la liste en 1914.

Détail des services : numéro matricule du recrutement 1153 classe de mobilisation 1909………

15 décembre 1914. Arrivé au corps le 16 décembre 1914 soldat de 2 eme classe

Classé dans le service auxiliaire pour impotence fonctionnelle du coude gauche ble… de guerre pour la commission de reforme de Castres le 4 septembre 1916 ?

Parti aux armées le 20 juin 1915. Evacué (blessé) le 27 septembre 1915.

Rentré au dépôt le 28 août 1916. Passé au 103 R Infanterie le 12 février 1917. Arrivé au Corps et soldat de 2eme classe le dit jour.

Parti aux armées le 18 février 1917. Caporal le 21 septembre 1917.

Evacué le 12 novembre 1917.

Classé dans le service auxiliaire pour limitation légère des mouvements d’abduction de l’articulation coxo-fémorale droite par la commission de réforme du Mans le 18 décembre 1918.

Passé au 42 R Infanterie le 12 juin 1917.

Arrivé au corps le dit jour Soldat de 2eme classe. Passé au 104 R Infanterie le 29 janvier 1919.

Classé service armé par la commission de réforme d’Argentan le 21 mai 1919 (Loi du 17 août 1915).

Mis en congé illimité de démobilisation le 1 septembre 1919 par le dépôt mobilisateur 117 RI infanterie Le Mans (9eme échelon n° 12190) se retire à Bouloire Sarthe

Certificat de bonne conduite Accordé 104 Régiment d’Infanterie 1 er juin 1921 5eme Régiment d’Infanterie 1 er janvier 1924

Passé dans la position « sans affectation » le 1 er octobre 1929

Blessures citations : Blessé le 27 septembre 1915 à Auberives (Marne) « e. o. au pied gauche ». Blessé le 10 novembre 1917 côte 344 (Verdun) par fil barbelé à la main gauche.

Cité à l’ordre du régiment n° 378 du 16 novembre 1917 « Belle attitude au feu.

Chargé au cours de la contre attaque du 25 octobre 1917 d’assurer une liaison rendue très difficile par le bombardement, a pleinement accompli sa mission »

Campagnes : contre l‘Allemagne au dépôt du 6 décembre 1914 au 19 juin 1915 ; aux armées du 20 juin 1915 au 26 septembre 1915 ; à l’intérieur du 27 septembre 1915 au 17 février 1917 ; aux armées du 18 février 1917 au 11 novembre 1917 ; à l’intérieur du 12 novembre 1917 au 31 août 1919

 

Marié le 21 novembre 1921 à Volnay à 27 ans Contrat de mariage chez Me GUIET notaire à Volnay le 20 novembre 1921

Domicile : St Calais, Bouloire en 1921, Bouloire le 14 novembre 1926, Ouvrier chez Massieu à Laigle (61)

Profession : Garçon livreur, épicier en gros, voyageur de commerce en 1921, épicier en gros en 1933 Décoration : Croix de guerre

Décès le 16 août 1933 à Bouloire ( sarthe )

PS : la minifig en uniforme début de guerre à été réalisé par Amador Custom à ma demande et d’après les photos, il y a quelques temps déja.

Merci de le citer si possible ;) Merci pour lui ;)

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Commentaires: 1
  • #1

    AF prod (mercredi, 23 février 2022 18:33)

    Wow ! La qualité des photos avec cette très belle mise en scène dans les tranchées et bien sûr cette histoire personnelle, de famille est réellement une belle découverte, une petite partie de l'histoire !
    Félicitation !